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La soie de mer, une fibre du passé

Dernière mise à jour : 17 févr. 2019

D’où vient cette fibre ?

La soie de mer était un tissu très apprécié durant l’Antiquité pour sa finesse et ses reflets dorés, destinée à vêtir les personnes des plus hauts rangs religieux ou politiques. Ce tissu est confectionné à partir du byssus (ensemble de fibres sécrétées par certains mollusques pour adhérer aux surfaces solides, à base de protéines quinone et de kératine) de la Grande nacre, également appelée Pinna nobilis. Ce coquillage originaire du bassin méditerranéen atteint 1,2 m de longueur et produit un byssus d’une longueur de 6 cm pour s’accrocher aux rochers ou herbes marines. La grande nacre a donc été abondamment pêchée jusqu’au XXe siècle, menaçant d’extinction l’espèce qui n’était pas élevée.

Au fil du temps, la pollution des océans a aggravé cet état. La Pinna nobilis est finalement devenue en 1992 un espèce protégée. Actuellement, ce tissu est encore tissé sur l'île de Sant'Antioco au sud de la Sardaigne, où le savoir-faire continu de se transmettre tout en respectant l’animal.

Figure 1 : Grande nacre


Comment passer du byssus à la soie de mer ?

Une fois la grande nacre pêchée, le coquillage était ouvert et ses filaments étaient coupés à la base, pour obtenir le plus de fibres possibles (moins de 2 grammes de fibres par coquillage).

Figure 2 : Grande nacre ouverte avec byssus à son pied


Pendant 12 jours les filaments subiront plusieurs lavages à l'eau douce, pour les dessaler et leur conférer toute leur élasticité. Les fibres sèchent par la suite dans un endroit suffisamment ventilé et abrité de la lumière.

Durant l’Antiquité, les fibres étaient par la suite plongées dans un bain d’urine de vache pour éclaircir les fibres et donc accroître leur luminosité. Plus tard cette étape fut remplacée par un bain de jus de citron pendant 36h. De nos jours nous pourrions donc utiliser de l’acide citrique pour effectuer cette étape.

Suite à cela le byssus est à nouveau lavé aux herbes saponaire et séché à l’ombre, puis cardé pour éliminer les impuretés et des incrustations. Après cardage, les mèches soyeuses et dorées ont alors perdu les 5/6 de leur poids.

Figure 3 : Obtention de fibres dorées


On peut finalement procéder à l’étape de filature. Il y a alors possibilité de produire un fil lisse, destiné à la broderie, ou un fil double torsadé, plus résistant et donc adapté au tissage.

Pour réaliser 250 grammes de fil, un millier de grande nacre doit être pêché. En effet chaque coquillage produit moins de 2 grammes de byssus, et en sortie de carde la matière a perdu ⅚ de sa masse initiale.


Utilisation de la soie de mer

La soie marine est reconnue pour sa finesse, mais surtout pour sa couleur brune aux reflets dorés qui a valu son succès auprès des riches et puissants de l’époque antique.

Ce fil fut utilisé pour broder et confectionner des vêtements (manteaux, capes, gants, bonnets).


Figure 4 & 5 : Broderie et Chasuble en soie de mer


Actuellement, ce tissu est encore tissé sur l'île de Sant'Antioco au sud de la Sardaigne, où le savoir-faire continu de se transmettre tout en respectant l’animal. Parmi elles, Chiara Vigo est reconnue pour faire perdurer un savoir-faire familial et restaure les pièces historiques constituées de soie de mer.

Figure 6 : Chiara Vigo devant le musée de la soie de mer


Développement durable

On peut facilement conclure sur le fait que le byssus produit par la Grande nacre n’est pas une fibre du future. Cette espèce a trop souffert de la pêche intensive et de la pollution des océans.

Cependant le procédé de production de la soie de mer est intéressant. La Pinna nobilis facilite la production car le byssus qu’elle produit est composé de fibres suffisamment longues. Peut-être pourrions-nous adapter ce procédé à d’autres coquillages ou mollusques tels que les moules, qui sont élevées pour leur chair ?

Sinon, pourrait-on envisager de réintroduire la Grande nacre dans le bassin méditerranéen et de mettre en place des élevages ?

La Pinna nobilis se reproduit grâce à la collaboration d'une algue spongieuse, qui loge à l'intérieur de la coquille et qui assure au mois de mai la collecte et la prolifération des gamètes. Plus il y a de Pinna nobilis sur le bas-fond plus les chances de fécondation sont grandes, mettre en place un élevage aurait donc du sens.

D’une autre part, les conditions de vie optimales de la Grande nacre sont une bonne luminosité, une eau non polluée parcourue d'un courant lent et régulier et la présence de prairies de posidonies, plantes maritimes également menacées par la pollution des océans.

Enfin Chiara a découvert une solution pour extraire la Grande nacre de la mer et prélever une partie de son byssus sans endommager le coquillage.

En effet, lors de la première lune de mai les hauts-fonds de la lagune mollissent en raison des conditions climatiques particulières et il est alors possible de détacher le mollusque, couper une partie de son byssus et le replanter dans la vase sans l’endommager.

Cette méthode est donc applicable à une seule période de l’année.

Le byssus serait donc difficilement une fibre du future. Sa réintégration prendra du temps, et établir un élevage de ce mollusque serait difficile à cause des conditions de développement du coquillage, mais aussi car un élevage durable nécessiterait de ne récolter le byssus qu’une fois par an (en rappelant que le byssus de 1000 Grande nacres sont nécessaires pour obtenir 250g de fil. La survie de l’espèce est donc possible, mais la soie de mer ne sera pas la fibre de demain.


Références

SARDOLOG “Soie de mer” disponible sur : <http://www.sardolog.com/bisso/france/index.htm> (Février 2019)

WIKIPEDIA “Byssus” disponible sur : <https://fr.wikipedia.org/wiki/Byssus> (Novembre 2018)

WIKIPEDIA “Grande nacre” disponible sur : <https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_nacre> (Novembre 2018)

WIKIPEDIA - “Sea silk”, disponible sur : <https://en.wikipedia.org/wiki/Sea_silk> (Février 2019)

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